Mieux que l’original

Des fils étincelants de rosée pris dans des branches sèches automnales : la soie d’araignée naturelle est en soi déjà un matériau remarquable, à la fois lisse, souple et étonnamment résistant. L’homme cherche depuis longtemps à en tirer parti pour d’autres utilisations que la capture d’insectes. Grâce à des méthodes biotechnologiques et de technologies de procédés modernes, il est aujourd’hui possible de fabriquer des textiles technologiques de hautes performances, des articles de sport, des textiles médicaux, des fils chirurgicaux, des textiles de support tissulaire et des pansements.

La société Amsilk, basée à Munich, a dans ce domaine jeté des bases solides. D’abord, elle peut fabriquer par des moyens biotechnologiques la matière première, disponible jusqu’à présent sous forme de poudre, de bonne qualité et en grande quantité, en tout cas, beaucoup plus que ce qui serait possible de faire avec un élevage d’araignées. Ensuite, elle produit à partir de cette matière une fibre de soie d’araignée artificielle et compétitive qu’elle commercialise sous la marque Biosteel. Cette fibre est aussi résistante à la traction que la soie d’araignée naturelle ou d’autres soies d’insectes courantes, qui sont utilisées depuis des millénaires. Souple, elles est aussi brillante que la soie et peut absorber l’eau. Elle offre une bonne tolérance cutanée et peut être travaillée et colorée comme la soie courante. Elle peut ainsi être utilisée dans des ateliers de traitement de textiles déjà établis.

Les avantages de la soie d’araignée par rapport à la soie classique résident avant tout dans ses propriétés mécaniques et son extraordinaire biocompatibilité. Ce matériau a déjà été testé dans plusieurs études et convient particulièrement à des applications du génie biomédical, par exemple, comme fil de suture.

Ce matériau a même des qualités mécaniques supérieures à de nombreux matériaux synthétiques. Pour casser des fibres Biosteel, il faut plus d’énergie que pour briser d’autres fibres hautes performances comme le kevlar ou les fibres de carbone, par exemple. Comme les fibres synthétiques, Biosteel peut être produite à l’infini sous forme de filament unique ou multiple, un autre avantage sur les soies d’insectes et d’autres fibres naturelles. Elle se travaille également plus facilement car le nombre de points faibles dans la fibre de soie est réduit au minimum grâce au procédé artificiel. Hormis les fibres, la matière première sert aussi à fabriquer des particules de soie, des revêtements, des mousses et des gels, ainsi que des non-tissés comme des fils et des tissus. De couleur blanche, les fibres peuvent également être teintées avec des techniques de coloration standard.

Les fibres Biosteel sont fabriquées selon un processus de filage évolutif, qui repose sur les travaux du professeur Thomas Scheibel de l’Université de Bayreuth et qui ont été repris dans la technique mise au point par Amsilk. « Parmi les nombreuses applications possibles pour la soie d’araignée, la fabrication d’une fibre à usage commercial a toujours représenté le plus grand défi technique. Avec le processus actuel, nous avons montré qu’une fibre de soie d’araignée commerciale était possible », explique Lin Römer, directeur de recherche chez Amsilk. « Par la suite, nous allons optimiser ces fibres, augmenter la production de matière première et transférer la technologie de filage vers notre nouvelle installation pilote ».

En augmentant la production de matière première, nous devrions réaliser d’autres progrès dans différents domaines d’application. Des produits intermédiaires adaptés sont fabriqués pour les différents secteurs industriels afin de créer des produits innovants. Les propriétés des protéines de soie d’araignée peuvent également être adaptées génétiquement pour fabriquer des produits sur mesure. Les biopolymères utilisés sont produits de façon durable et sans recourir à des carburants d’origine fossile.

Ainsi, Bio-Shield-S1, un revêtement à base de soie d’araignée pour implants mammaires, offre de nombreuses perspectives. La fine couche de protéines de soie d’araignée recombinantes doit éviter les effets indésirables provoqués par les immunoréactions aux implants. Des études précliniques réalisées en collaboration avec l’Université de Bayreuth et la clinique de chirurgie réparatrice et plastique, d’urgence et pour la main de la l’Université de Würzburg ont déjà montré l’efficacité de ce revêtement. Dans un premier test mené sur des rats, l’implant en silicone texturé et doté d’un revêtement a été bien mieux accepté que l’implant sans revêtement. Les fibroses capsulaires et les inflammations à la limite des tissus en contact avec les implants traités ont pu être réduites de façon significative.

Une étude ultérieure réalisée sur un an et qui s’est conclue en 2012 a confirmé ces résultats. Les capsules situées au niveau des implants enduits de soie étaient plus fines, plus souples et plus transparentes que dans les contrôles. Les marqueurs d’inflammation ont également été détectés en quantité bien moins élevée. Quelques marqueurs d’inflammation et le développement de fibroblastes demeurent encore douze mois après l’intervention à un niveau inférieur à celui du groupe témoin sans Bio-Shield-S1. « Cette nouvelle technologie permet concrètement d’améliorer les implants et peut s’appliquer à presque tous les produits à base de silicone », se réjouit Philip Zeplin, qui a dirigé l’étude. Les implants en silicone sont avant tout utilisés dans des opérations réparatrices et esthétiques de la poitrine.

Chaque implant peut être enduit après sa fabrication et avant son conditionnement et sa stérilisation. Les propriétés mécaniques de l’implant ne sont pas modifiées par ce revêtement. D’autres applications chirurgicales feront bientôt l’objet de tests. op

La Nature a sans cesse amélioré et optimisé la soie naturelle au cours des millions d’années de l’évolution. Cette soie réunit aujourd’hui des propriétés uniques qui dépassent de loin celles des matériaux synthétiques connus. Créée en 2008 à Munich, la société Amsilk a mis au point un processus technique de production de soie d’araignée et développé les premiers prototypes destinés à une application commerciale. La production de la matière première ou des produits intermédiaires est confiée à des prestataires de services établis au niveau international. Implantée dans le centre d’innovation et d’hébergement des start-ups pour la biotechnologie (IZB) de Planegg en Allemagne, Amsilk bénéficie des capitaux d’investissements de MIG Fonds et AT Newtech. Les projets de recherche menés par Amsilk sont cofinancés par le ministère allemand de la formation et de la recherche et le ministère bavarois de l’économie, des infrastructures, des transports et des technologies. Les porteurs de projets sont l’Association des ingénieurs allemands (VDI) et Projektträger Jülich (PTJ).